
Une petite interview, ça faisait longtemps, hein ?
Je vous ai parlé il y a quelque temps du roman de mon amie Camille Colva, Nous sommes en guerre. C’est non sans plaisir et (non sans fierté) que je partage avec vous ses réponses à mes questions sur ce premier roman et son travail d’écriture.
As-tu toujours voulu écrire ? Et si oui, quel a été le déclic pour te lancer dans l’aventure ?
J’ai commencé à écrire quand j’avais environ huit ans. J’écrivais notamment des fanfictions avec des personnages de livres et de films que j’aimais (même si à l’époque, je ne savais pas que ça s’appelait des fanfictions !). Le point culminant de ma carrière d’autrice junior a été un roman d’environ quatre-vingts pages, écrit sur l’ordinateur de mon père (à son grand dam), qui racontait l’histoire d’une tueuse en série qui sévissait à Liverpool dans les années soixante-dix (pourquoi ce lieu où je n’ai jamais mis les pieds ? pourquoi cette époque que je n’ai jamais connue ? personne ne le saura). Elle s’amusait à tuer des gens pour le plaisir, en mode « j’ai besoin d’un petit remontant, et si je trucidais quelqu’un ? », l’équivalent d’aller s’acheter une pâtisserie après une mauvaise journée chez les gens normaux. Il y avait un policier chargé de la capturer, sauf qu’il était amoureux d’elle (bien sûr). Quand il la capture enfin, elle se suicide parce qu’elle ne veut pas aller en prison, et lui se suicide parce qu’il ne veut pas vivre sans elle. Fin de l’histoire. Je rappelle que j’avais huit ans.
Quand j’étais ado, j’ai un peu continué à écrire, mais je n’ai jamais eu la discipline pour écrire un roman. Je commençais plein de choses que je ne finissais pas, et je n’aimais pas travailler sur ce que j’écrivais. Et puis, des années plus tard, à trente et un ans, l’idée d’écrire un roman sur le confinement m’est venue. J’avais gagné en maturité, j’avais accepté que personne n’écrit bien du premier coup et qu’écrire est un véritable travail plutôt qu’un souffle d’inspiration divine. J’ai aussi gagné en expérience. C’est difficile d’écrire un roman quand on a seize ans, surtout si on a eu une enfance plutôt privilégiée et on ne connaît strictement rien de la vie.
La crise sanitaire et le confinement t’ont inspiré ce premier roman. As-tu eu d’autres sources d’inspiration ?
Un peu comme Edward O’Hare dans Une veuve de papier de John Irving, je suis une autrice avec très peu d’imagination. Je ne sais pas vraiment inventer d’histoires. J’ai beaucoup d’admiration pour les auteurs comme J.K. Rowling (même si je ne cautionne absolument pas ses opinions d’un autre temps), qui savent créer tout un univers.
Je me vois plutôt comme une pâtissière de l’écriture (meilleure, j’espère, que je ne suis pâtissière de gâteaux…), c’est-à-dire que je prends des ingrédients, je les mélange et à la fin, il y a un roman. La recette de Nous sommes en guerre, c’est 400g de longues soirées confinées à regarder les infos, 200g de lectures (de romans et de témoignages), avec un zeste d’expériences personnelles. Pour mes prochains romans, les proportions changeront peut-être, mais les ingrédients resteront sensiblement similaires…
L’histoire se déroule pendant le premier confinement. As-tu démarré l’écriture de ton roman pendant cette même période ?
Et non ! Je l’ai démarré en janvier 2021, pendant la période du couvre-feu à 18 heures, où il n’y avait pas grand-chose d’autre à faire. L’idée de ces trois héroïnes m’est venue comme ça, un soir, alors que je regardais la télé avec mon amoureux. J’ai commencé à noter des idées à la va-vite dans mon iPhone, je les ai relues et je me suis dit : « Je tiens quelque chose là, ça colle ». Alors je me suis tournée vers mon chéri et je lui ai dit : « Je crois que j’ai envie d’écrire un livre ».
Les trois héroïnes de ton roman Camilla, Brigitte, Diane, sont toutes en guerre, elles ont chacune un combat à mener. Leurs guerres te touchent-elles particulièrement ?
Mon confinement a été bien différent des leurs. Certes, je n’ai pas la chance d’avoir une grande maison avec un jardin, ni même un balcon, mais nous étions quand même deux dans 60m². Nous ne souffrions pas de la solitude, et nous ne nous marchions pas sur les pieds. Et, point très important, mon amoureux est merveilleux. Je ne vois pas comment on pourrait ne pas avoir envie de rester confinée avec lui.
C’est très différent pour mes trois héroïnes : Camilla étouffe dans une chambre de bonne, Diane a peur d’être chez elle à cause de la violence de son mari, Brigitte est une personne âgée isolée. Mais ce n’est pas parce qu’une situation ne nous touche pas personnellement qu’on ne peut pas se sentir concerné. Le combat pour les violences faites aux femmes me tient notamment particulièrement à cœur, et c’est pour ça que j’ai décidé de faire don de mes gains sur droits d’auteur de novembre (environ 2€ par livre papier ou ebook vendu) à l’association En avant toute(s), qui lutte contre ce type de violences. C’est un petit geste à l’occasion de la Journée internationale de la lutte contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre.
L’amitié de ces trois femmes, très différentes, se cristallise autour de leur passion pour la lecture. Penses-tu que la lecture peut rassembler les gens ?
Complètement, mais comme n’importe quel art ! Je fais d’ailleurs souvent référence dans mon roman au film New York Melody, le film préféré de Camilla. Dedans, les personnages de Keira Knightley et Mark Ruffalo sont également très différents, mais ils se lient d’amitié grâce à la musique. Des exemples comme ça, il y en a à la pelle ! Ce n’est pas pour rien qu’il existe des clubs de lecture, d’amateurs d’art ou de musique…
Tu as publié ton livre en auto-édition, on peut donc le retrouver sur certaines plateformes en version numérique ? Peut-on également le retrouver en librairie ?
Je suis imprimée par Books on Demand. Le principe est simple : il s’agit, comme son nom l’indique, d’impression à la demande. Autrement dit, aucun stock n’est constitué de mon roman (à part par Amazon qui a réussi à en avoir sept on ne sait pas trop comment… mais pitié, ne l’achetez pas chez eux !). Vous ne pouvez donc pas entrer dans une librairie et ressortir avec. En revanche, ce que vous pouvez faire, c’est entrer dans une librairie, le commander, rentrer chez vous et attendre patiemment que la librairie vous informe que votre précieux est arrivé.
Alors, oui, ça prend du temps, non, on ne peut pas céder aux achats impulsifs, oui, on est obligé d’anticiper ses cadeaux de Noël (d’ailleurs si vous souhaitez offrir mon roman, je vous conseille de vous en occuper dès maintenant), mais n’est ce pas une bonne chose ? Finalement, ça nous permet de renoncer à la culture du « tout, tout de suite » instaurée par des sites tels qu’Amazon, et crée de l’attente. Un peu comme quand nous étions petits et que nous devions compter les dodos jusqu’à la sortie du prochain Harry Potter.
Après, si vous êtes vraiment très très impatients, il y a une solution : mon roman existe également en ebook sur la plateforme Kobo. Il suffit d’avoir un outil pour le lire en numérique (téléphone, tablette, liseuse). Astuce : si vous avez une liseuse Kindle, vous pouvez le convertir au bon format grâce au logiciel Calibre (qui est gratuit).
Tes chapitres sont émaillés d’extraits de romans, de citations d’auteurs. S’agit-il de livres, d’auteurs, qui ont été importants dans ta vie de lectrice ? Et d’autrice ?
Ma vie de lectrice et ma vie d’autrice sont complètement interdépendantes ! Le bien-nommé roi des écrivains Stephen King l’a dit lui-même dans Ecriture : Mémoires d’un métier, son manuel que tout aspirant auteur devrait lire : « N’y allons pas par quatre chemins : si vous n’avez pas le temps de lire, vous n’avez pas celui d’écrire, ni les instruments pour le faire. C’est aussi simple que ça. » Le Commandement Suprême de l’écrivain, selon King (et selon moi), c’est « Lis beaucoup, écris beaucoup ». Je lis beaucoup. J’écris… quand j’ai le temps et l’inspiration (je ne suis qu’à moitié une bonne élève). Mon style est le croisement de tous les romans que j’ai lus et aimés. Je ne dirais pas que j’ai cherché à m’inspirer de tel ou tel auteur, ils imprègnent naturellement ma plume.
Les romans dont sont extraites les citations qui introduisent chaque partie de mon livre ont été des romans que j’ai adorés, très différents les uns des autres : Le Fléau de Stephen King (encore lui !), Nos étoiles contraires de John Green, Une vie comme les autres de Hanya Yanagihara, L’abbaye de Northanger de Jane Austen. Je ne pourrais pas illustrer mon roman en citant une œuvre que je n’ai pas lue (je n’ai pas fait ça depuis le bac de philo…), et encore moins que je n’ai pas aimée. Ce serait malhonnête vis-à-vis de mes lecteurs, et vis-à-vis de moi-même.
Un nouveau projet de roman en perspective ?
Je finalise actuellement mon deuxième roman, qui s’appellera (si tout va bien…) Le bocal de cornichons. La sortie est prévue pour le premier trimestre 2023. Je garde encore un peu de mystère quant à son contenu, mais je peux d’ores et déjà vous dire que ce sera également une narration croisée avec quatre personnages, deux hommes et deux femmes.
Je peux même vous partager une citation qui fera durer un peu le suspense : « Les flèches de l’Amour venaient d’introduire un grain de folie dans l’esprit de la raisonnable et froide Bathsheba. Elle aimait Troy comme peuvent aimer seulement les femmes qui ont le caractère indépendant, c’est-à-dire que, lorsqu’une femme forte jette avec insouciance sa force au loin, elle devient plus faible que celle qui a toujours été faible : la faiblesse est double quand elle est nouvelle. » (Thomas Hardy, Loin de la foule déchaînée)
Question subsidiaire : Quel est ton dernier coup de cœur ?
La deuxième femme de Louise Mey. Je me suis récemment abonnée à la Kube (une box littéraire absolument fantastique) et j’ai demandé au libraire un roman de littérature française sur le thème de l’emprise. Il est tombé juste en me conseillant ce roman d’une autrice dont je n’avais jamais entendu parler, mais dont j’ai envie de tout découvrir à présent. La plume est sublime et nous tient en haleine du début à la fin. Je recommande !
Un grand merci à ma chère Camille d’avoir répondu à mes questions !
Sache, cher lecteur qui passe par ici, que Camille Colva a décidé de reverser l’intégralité de ses droits d’auteurs du mois de novembre à une association de lutte contre les violences conjugales. Quand je vous dis qu’elle est incroyable…
Pour en savoir plus sur l’actualité de Camille Colva, rendez-vous sur son compte Instagram (@camillecolva_autrice) ou sur son site !
Graphisme de la couverture : Hugo Gourmaud