En scène : « Le journal intime d’Adam et Ève » de Mark Twain

Imaginez un plateau plongé dans le noir, uniquement éclairé par des guirlandes lumineuses, là pour délimiter l’indélimitable. Deux bien petits (et bien symboliques) objets viennent rompre cette régularité qui se précipite vers le sol : une rose et une pomme. Et c’est tout. Bienvenue au paradis. Une femme met un premier pied sur cette terre inhabitée – ou presque. Et ainsi démarre… l’Humanité.

Nous faisons la connaissance d’un homme et d’une femme, dont la genèse de l’histoire a des airs de déjà-vu : ils ont commencé par s’ignorer, se jauger, se toiser (quelle est donc cette créature aux cheveux longs ?), s’agacer (comment la créature peut-elle décreter que cette chose est un « doo-doo » ?) avant de mutuellement s’intriguer (mais où est-il passé ?) et, par la force des choses, à nouer conversation, puis, par ce miracle qui arrive (parfois) sur la terre et ailleurs, à s’apprécier. Et à s’aimer. Leurs prénoms ? Ève (Carola Urioste) et Adam (Julien Grisol). Eux-mêmes.

Ils consignent dans leur journal leur quotidien au Jardin d’Éden, leur découverte émerveillée des alentours et des êtres vivants qui y ont aussi élu domicile. Leurs récits, souvent en décalage, nous amusent et nous touchent. Ils nous les livrent à nous, spectateurs, comme si nous étions leurs confidents, les témoins privilégiés en droit de lire (ou plutôt, d’écouter) leurs journaux intimes. Ils arrivent tous deux à tirer parti du petit espace qui leur est attribué. Leur éloquente façon de se positionner, par exemple, suffit à faire passer les (res)sentiments qu’ils nourrissent l’un envers l’autre.

Le texte écrit par Mark Twain est en soi une adaptation, celle pour la scène de trois ouvrages de l’auteur : Extraits du Journal d’Adam, Le Journal d’Ève et La Bible selon Mark TwainJulien Grisol (lui-même) a eu la belle idée de le revisiter et Mario Aguirre de le mettre en scène. Ils poussent tous deux l’audace jusqu’à introduire dans le texte des petits plaisirs d’aujourd’hui comme les bains à remous (et la sieste !) et des danses endiablées sur du Joe Dassin. On aurait bien envie de rester un peu plus longtemps avec ce couple, dans l’insouciance de la vie au paradis.

L’interprétation des deux comédiens sert parfaitement le ton du texte, drôle, profond, souvent touchant. Il n’aura pas fallu plus d’une heure pour nous attacher à eux. 

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Même si vous connaissez l’histoire des deux premiers hommes, on parie que vous serez, vous aussi, surpris. Et émus. 

À noter que l’adaptation par Julien Grisol est disponible aux Éditions des Cygnes.

Cette chronique est également parue sur le Blog Baz’art