Nous suivons deux personnages dont les trajectoires vont finir, à la faveur d’un chapitre et du destin, par se télescoper.

La première s’appelle Ambre. Elle a 17 ans et vit un amour passionnel avec Adrien, une relation qui ne plaît en rien à sa mère. Elle décide de fuguer, avec Adrien, et de se réfugier chez Baptiste, cet homme avec qui elle tchatte depuis quelques mois sur internet et qui lui a proposé de l’héberger pour une nuit. Elle y restera bien plus longtemps… Le deuxième personnage s’appelle Arthur. À 40 ans, ce père de famille, réalisateur, tire un triste bilan de son existence : sa femme Alexandra vient de le quitter, son commerce de location de DVDs est contraint de fermer face à l’émergence de nouveaux modes de consommation de la vidéo, et les deux films dans lesquels il a mis tout son cœur (et son argent) sont tombés dans l’oubli sitôt leur sortie en salles. Aux abois, il accepte ce job de « modo » pour la société Ménidas, chargée de modérer des contenus diffusés sur le réseau social Lifebook. Un job payé au lance-pierre, de surcroît extrêmement difficile psychologiquement à effectuer, qui marquera un tournant dans sa vie.
J’ai littéralement dévoré S’adapter ou mourir, un titre qui sonne comme un adage, un proverbe aussi bien qu’un avertissement. Et qui prendra tout son sens au fur et à mesure de votre lecture.
J’ai aimé suivre l’évolution des personnages. Celle d’Arthur, en premier lieu, sa lente transformation d’homme spectateur à celle d’acteur de sa vie, au contact de ses colocataires et amis de la Maison Bleue, à la vision toxique de ces vidéos d’une violence parfois insurmontable, sa prise de conscience, son obsession à vouloir changer les choses en faisant justice lui-même. Celle d’Ambre aussi, qui, séquestrée par Baptiste des années durant, subira les pires sévices, les pires humiliations, et deviendra quelqu’un d’autre. Nous ressentirons avec elle l’effroi, la colère, la peur d’espérer puis, la résignation face au sort que lui réserve son bourreau – dont nous pénétrerons, le temps de quelques chapitres, les pensées, et découvrirons l’histoire, un procédé qui dira certainement quelque chose aux attentifs lecteurs de L’Empathie. Nous nous réjouirons, parfois, et non sans une certaine appréhension, des petites mains qu’il tendra vers elle avec, probablement, un sombre dessein en tête. Et enfin, aussi inouï que cela semble, celle de Baptiste, dont le sadisme, la perversité, la cruauté prendront un autre visage.
L’auteur de L’Empathie et de Fermer les yeux frappe fort avec ce troisième thriller, toujours aussi bien maîtrisé, au rythme implacable, qui joue sur nos nerfs et nos émotions. Nous retrouvons son talent à nous faire aimer, derechef, ses personnages, avec leurs faiblesses, leurs défauts. À nous donner envie de connaître le chemin qu’ils prendront, de les aider, de les sauver. Je le conseillerais chaudement aux lecteurs au cœur bien accroché, friands d’insoutenable suspense, d’intrigue flirtant dangereusement avec le réel, peut-être moins aux âmes sensibles, la lecture de certains passages pouvant s’avérer difficile.
S’adapter ou mourir d’Antoine Renand, Éditions Robert Laffont, collection La Bête Noire