Faut-il encore présenter Clémentine Beauvais, l’autrice du délicieux Songe à la douceur, du so exquis Brexit Romance, ou encore de l’hilarant Les Petites Reines adapté avec succès au théâtre en 2018 (je vous en parlais sur Baz’art) par Rachel Arditi (lectrice de la version audio chez Audiolib) et Justine Heynemann (qui en signait la mise en scène) ? Dans la déferlante de la Rentrée Littéraire 2021, vous verrez émerger son nouvel ouvrage, un OLNI que publient les Éditions de l’Emmanuel : Sainte Marguerite-Marie et moi. Une biographie passionnante, complètement décalée, que j’ai eu la chance de découvrir avant sa sortie en librairie (prévue le 25 août).
Dire que Clémentine Beauvais a pris un virage à 360 degrés avec ce nouvel ouvrage serait un bien doux euphémisme. Cette milléniale-agnostique-féministe 2.0-absolument-pas-catho-pas-baptisée s’est en effet embarquée dans un projet un peu fou, loin, très loin de sa zone de confort d’autrice féministe-absolument-pas-catho-fan-de-Harrry-Potter-et-Bruno-Latour sur les traces d’une lointaine aïeule, Marguerite-Marie Alacoque, alias « la voyante de Paray-le-Monial ». Cette sainte canonisée par Benoît XV le 13 mai 1920 qui recevait de fréquentes visites de Jésus, dont une, cruciale, en 1674, où il lui a présenté son cœur.

Clémentine Beauvais n’a pas la prétention de nous offrir une biographie précise et circonstanciée sur la vie de la sainte, mais bien de lever le voile sur une légende familiale qui, sans cesse, la ramène à cette humble et illustre aïeule. Elle nous parle de sa démarche, de son travail avec son éditrice, nous livre le fruit de ses recherches, nous fait part de ses rencontres comme celle du recteur du sanctuaire de Paray-Le-Monial. Et ce, sans jamais se départir de cet humour à toute épreuve, cette ironie bienveillante imprégnant chaque anecdote, chaque adresse au lecteur – mention spéciale pour les passages où elle découvre que les prêtres ne sont pas des extra-terrestres et où elle s’interroge sur sa lignée, en apprenant que son aïeule n’aime pas le fromage.
Grâce à Clémentine Beauvais, j’ai appris plein de choses sur Sainte Marguerite-Marie sans m’ennuyer une seule seconde. Au contraire, je me suis follement amusée et j’aurais aimé rester un peu plus longtemps aux côtés de la sainte, et de la famille de Clémentine.
Et maintenant, grande nouvelle ! J’ai eu la joie de poser quelques questions à Clémentine Beauvais sur son ouvrage et sa démarche de recherche, je vous laisse découvrir ses savoureuses réponses ! Un immense merci au passage à Anne-Sophie et Sylvie de l’équipe des Éditions de l’Emmanuel pour la mise en contact et leur disponibilité !

Quelle est la toute première étape quand on se lance dans un tel projet, aussi personnel et aussi éloigné de vos précédents ouvrages ?
Sincèrement, je l’ai dit dans le livre et c’est la vérité : j’ai commencé par regarder sur… Wikipédia. Eh oui, c’est vraiment ce qui me semblait le plus logique, pour contextualiser un peu la sainte. Ensuite, j’ai commencé par ses mémoires, comme je le dis aussi dans le livre. Promis, je n’ai pas romancé cet aspect-là. C’est ensuite que j’ai ‘rayonné’ vers l’extérieur, en regardant des textes critiques sur Marguerite-Marie. Par contre, dès le début, je savais que ça allait être non pas une biographie ‘classique’ mais une sorte de biographie+autobiographie, et donc j’ai cherché dans ma tête le ton à adopter… j’ai commencé très rapidement à écrire, après même pas une semaine de recherches, parce que je voulais que ce soit une chronique fidèle du développement de ma recherche et de mon état d’esprit quasi de semaine en semaine.
À quelle occasion avez-vous entendu parler de la sainte, pour la toute première fois ?
Je ne me souviens plus du tout ! Je devais être toute petite. Je l’ai toujours su, et ça m’a toujours été égal… jusqu’à il y a un an et demi.
Qu’est-ce qui a été le plus compliqué pour vous dans ce projet « très catho » ?
Vraiment le fait d’assumer d’exposer si publiquement, d’une part, ma vie privée (dont je ne fais jamais état d’habitude), et, ce qui est lié, le fait que je sois de facto assez proche de milieux cathos de par mes choix de vie. Pour mon milieu ‘normal’, la sphère catho est celle qui semble grosso modo la plus éloignée possible, l’identification la moins désirable. Assumer ma proximité avec elle – si ce n’est spirituellement, au moins familialement – a été de loin l’élément le plus compliqué de l’écriture.
Y’a t-il une anecdote que vous souhaiteriez évoquer et que vous n’avez pas racontée dans le livre ? Sur la vie de votre aïeule, ou quelque chose qui vous est arrivé pendant vos recherches ?
Non, mais plutôt après ! Je suis très récemment allée à Paray-le-Monial pour promouvoir le livre, et les Visitandines m’ont invité, avec mon éditrice, à venir les rencontrer. C’était absolument extraordinaire comme rencontre, très émouvant et étonnant. Elles étaient en train de terminer de lire le livre, qu’elles lisaient à voix haute au réfectoire. On a eu une longue conversation et elles se sont passé mon petit garçon de bras en bras, ce qui était à la fois surréaliste et très touchant.
Vous sentez-vous plus proche de Sainte Marguerite-Marie, maintenant que vous l’avez rencontrée, maintenant que avez mis un point final à votre ouvrage ?
Oui, alors là, sans aucun doute ! Avant, je n’avais aucune proximité avec elle. Maintenant, j’ai l’impression d’être complètement entrée dans son système. Surtout, ce qui me reste, c’est son écriture, extrêmement fluide, narrative et passionnée.
Continuez-vous aujourd’hui à enquêter sur la sainte, pour votre curiosité personnelle ou pour partager vos trouvailles avec votre famille ?
Pas vraiment, mais en fait des découvertes viennent à moi… Car évidemment, depuis que les gens entendent parler du livre, tout-à-coup j’ai plein de messages me racontant telle ou telle anecdote autour de la sainte. D’ici deux-trois semaines, je pourrai écrire un tome 2…. (ou pas).
Vos livres se succèdent et ne se ressemblent pas, pour le plus grand bonheur de vos lecteurs. Mais vos plus grands fans reconnaîtront leur dénominateur commun : votre humour à toute épreuve ! Pour vous, était-il essentiel de faire la part belle à l’humour, au décalé, à l’ironie bienveillante, dans cette biographie ?
C’est gentil ! Oui, l’humour est absolument crucial pour moi. Comme le dit un éditeur au début du livre, c’est souvent un mécanisme de défense – en particulier pour un livre comme ça, aussi « exposant », je pense que l’humour était mon arme numéro un pour protéger, voire barricader sans doute, l’émotion. Peu à peu, j’ai essayé de m’ouvrir et de me livrer davantage, ce qui impliquait de baisser la garde et de freiner sur l’humour. Mais ce qui me fascine avec l’humour, c’est qu’il en existe tant de nuances : l’ironie, le sarcasme, l’humour pince-sans-rire à l’anglaise, l’absurde, le grotesque, les jeux de mots – et dans chacun de mes livres j’essaie de m’adapter au projet pour que ce soit le « bon » ton, la « bonne » sorte d’humour. C’est un parti-pris formel aussi important que l’intrigue, pour moi.
Un projet d’écriture en cours, tout aussi original, passionnant et drôle ?
Je viens de terminer la V1 de mon prochain roman chez Sarbacane, qui est très inspiré du livre sur Marguerite-Marie. C’est de la fausse non-fiction. Alors de la vraie fiction? Vous verrez…
J’ai l’habitude de demander aux autrices et auteurs que j’ai la chance d’interviewer le titre de leur dernier coup de cœur. En auriez-vous un à partager avec nous ? Peut-être un roman de la Rentrée Littéraire qui approche à grandes pages ?
Ouiiii j’ai lu deux livres particulièrement fabuleux de cette rentrée littéraire (pardon, je triche, j’en dis deux) : Mon mari, de Maud Ventura, un roman totalement barré qui nous plonge dans l’intériorité d’une femme folle-amoureuse de son mari ; et Grande Couronne, de Salomé Kiner, un roman d’apprentissage très dur mais fabuleusement écrit, qui se déroule en grande banlieue parisienne dans les années 90-2000.
Merci infiniment, chère Clémentine Beauvais, pour vos réponses et votre temps !
Sainte Marguerite-Marie et moi de Clémentine Beauvais, Éditions de l’Emmanuel / Quasar