« Inconditionnelles » de Marlène Charine

Grâce à la Masse Critique de Babelio, j’ai reçu Inconditionnelles, le deuxième thriller de Marlène Charine après Tombent les anges pour lequel elle a reçu, en 2020, les Prix du Polar Romand, Sang pour Sang Polar et Découverte du journal L’Alsace.

L’histoire se passe à Annecy, à deux époques différentes. Nous sommes tantôt en octobre 2016, tantôt projetés à la fin des années 1990, une période terrible pour les protagonistes de cette histoire glaçante. Dix jours après leur disparition, trois mères retrouvent leurs toutes petites filles, séquestrées dans une maison perchée sur les hauteurs de la ville, livrées à la folie d’un prédateur pervers, pédophile et violent : Francis Lerieux. Deux d’entre elles sont prostrées dans un coin de la maison, tandis que la troisième gît, inconsciente, dans une baignoire remplie de glace. Un cauchemar qui prend fin, enfin, pour Romane, Samantha et Mélie avec une libération menée d’une main de maître par la capitaine de police Silke Valles et la mise hors d’état de nuire de ce fou…

Un cauchemar qui prend fin, vraiment ? Au contraire, le calvaire ne s’arrêtera pas là pour ces petites filles et leurs familles qui vont devoir apprendre à se reconstruire, à faire disparaître, avec le temps et l’amour, des séquelles psychologiques bien plus profondes, bien plus ancrées que les marques physiques sur leur corps innocent de petites filles. Nous suivons alors le retour à la vie de ces trois mères de famille et de leurs filles, à travers trois narrations qui nous font pénétrer leur quotidien abîmé. Il y a tout d’abord Garance, la mère de Romane, une femme de poigne avare de sentiments, qui, grâce à son salaire de dentiste et à la profession de son mari Lionel, a les moyens. Puis, Blandine, mère de Mélie et de Jordan, qui semble être l’exacte opposée de Garance : une femme effacée qui vit dans l’ombre de son mari et dont le mariage déjà fragile volera en éclats avec cette tragédie. Et enfin, il y a Cora, mère célibataire, qui, du haut de ses vingt-cinq ans, élève tant bien que mal Samantha, enchaînant petits boulots et galères en tous genres. Sa fille, c’est tout ce qu’elle a, tout ce qui lui reste. Trois femmes très (trop ?) différentes dont les destins vont être mêlés les uns aux autres, à tout jamais, par des liens tragiquement indéfectibles, scellés par ce drame.

Ce thriller a l’originalité de démarrer avec la fin d’une quête, d’une recherche acharnée, et de nous faire vivre l’après. Il est en effet rare de lire un thriller construit de la sorte. Une fin qui ne sera, le lecteur se l’imagine bien, qu’un début. Celui de la vie qui tente de reprendre son cours, malgré tout. Celui de la disparition de toutes ces zones d’ombres, de l’évanouissement de ces doutes qui s’insinuent dans l’esprit de chacune de ces mères et de la capitaine de police.

Serait-ce en leur intuition qui leur fait penser qu’un happy ending n’arrive jamais dans la réalité ? Que retrouver leurs filles, seulement dix jours après les avoir crues disparues à tout jamais, semble trop beau pour être vrai ? Ou est-ce, tout simplement, ces petits mots de leurs filles, ces lueurs craintives qui continuent à luire dans leurs yeux devant l’apparition de certains hommes, ces allusions angoissées à un « Marquis barbu » – qui semble ne ressembler en rien à Francis Lerieux ? Ce qui est sûr, c’est que ces trois femmes sont à présent prêtes à tout pour que la vérité soit faite. Pour protéger leurs filles et pour les venger. Quitte à se faire justice elles-mêmes.

Comme je le disais plus haut, le fait qu’un thriller commence ainsi, est, sans conteste, original. Le suspense est là, l’alternance des narrations de ces trois mères et de Silke, le recours aux allers retours entre passé et présent, les multiples rebondissements sur l’identité du prédateur, sont autant de procédés efficaces qui nous donnent envie de tourner les pages jusqu’au dénouement. Le fait que ce polar soit tenu par quatre personnages féminins est plaisant, fort. Rare, là aussi.

Pour autant, je n’ai pas du tout réussi à croire à l’histoire que je lisais, à la douleur de ces femmes et de leurs filles. Je ne les sentais pas autant bouleversées, aussi traumatisées qu’elles auraient dû l’être à mon sens, face à une telle épreuve. Leurs réactions, leurs mots, sonnaient faux dans ma tête. Certains passages me semblaient même surréalistes, en particulier à la fin du récit – mais je n’irais guère plus loin, au risque de spoiler

Je n’ai malheureusement pas du tout réussi à m’attacher à ce quatuor de femmes en souffrance, marquées par la vie, unies par leur volonté de revenir à une vie normale, ni à ressentir de l’empathie pour elles…

Mon avis est donc mitigé, mais cela ne m’empêchera pas de vouloir découvrir d’autres romans de cette autrice : le pitch de Tombent les anges, notamment, m’attire beaucoup…

À charge de revanche, donc !

Inconditionnelles de Marlène Charine, Éditions Calmann-Lévy