« La Pâqueline ou les mémoires d’une mère monstrueuse » d’Isabelle Duquesnoy

Maudite fin d’année 1798 pour Pâqueline Renard, alias la Pâqueline ! Sa maison ravagée par les flammes, sa réputation foudroyée par les actes ignominieux de son fils Victor (aka Victordu ou Victorgoule pour les moins intimes) – il a été surpris en train de foutre un cadavre -, elle n’a d’autre choix que de faire comme elle l’a toujours fait : se débrouiller seule. Elle parvient à trouver refuge dans le somptueux et désespérement vide appartement de son ingrat de fils rue des Francs-Bourgeois – il faut dire que le métier d’embaumeur permettait de vivre plus que confortablement, à cette époque.

Flanquée de son paon P’tit Bécu, elle arpente les dédales de ce palace pompeusement décoré, à mille lieues de l’endroit où elle vivait dans la plus grande misère, avec la ferme intention de revoir en profondeur toute la décoration. En commençant par amener au Mont-de-Piété toutes les bizarreries qui emplissent les pièces, puis, en utilisant les murs pour étaler ses souvenirs, raconter à ce fils qui lui fait honte et qu’elle n’a jamais réellement aimé, l’histoire de cette mère qu’il n’a jamais réellement cherché à connaître. De cet ambitieux projet de travaux naît un passionnant récit fait d’allers retours entre passé et présent, antichambre et boudoir.

Victordu, j’en ai fini pour cette petite mascarade glaciale. Tout naturellement, je poursuivrai mes écritures dans l’autre pièce froide de ton appartement. Je ne sais comment la nommer, mais tu sauras bien la trouver !

Elle confie au mur son enfance dans le bordel où elle a grandi, heureuse parmi les catins, aux côtés de sa mère, surnommée Aphrodite dont la particularité Bic et Bouque faisait raffoler plus d’un messieurs, et de ses tantes. Puis de son départ précipité pour la Normandie, dans la ferme d’Ignace Delamarre, où elle fera la plus terrible et la plus belle rencontre de sa vie.

Ma mère était pensionnaire d’une maison discrète, réservée aux messieurs friands de chatouilles. Un bordel, comme disent les gens ordinaires.

Et quitte à prendre ses quartiers chez son fils, autant prendre, aussi, sa place dans son office ? Les techniques d’embaumement ne sont pas un mystère pour elle, et surtout, la peau est devenue une matière tellement courue que ne pas sauter sur l’occasion serait un réel gâchis.

La jaquette m’annonçait que j’allais adorer détester cette héroïne qu’est la Pâqueline, je m’attendais donc à faire face à une Folcoche de fin du XVIIIème en puissance, mais que nenni ! Je l’ai trouvée attachante, cette petite femme au caractère bien trempé et au langage de charretier, qui ne se laisse pas marcher sur les sabots. Et le fait que son récit de vie soit le fil conducteur d’un jeu de piste mené de pièce en pièce, m’a beaucoup plu. On ne peut qu’aimer les personnages qui ont été importants dans sa vie : sa mère, Ignace ou encore Johann. Les catins, les fermiers, les geôliers ne sont pas en reste et sont fort bien dépeints.

C’est un roman truculent aux accents presque rabelaisiens que nous offre ici Isabelle Duquesnoy, l’autrice de L’Embaumeur. Elle semble s’être fichtrement bien documentée sur le Paris de la fin du XVIIIème siècle : les descriptions qu’elle en donne sont si vives que de véritables tableaux s’animent devant nos yeux. Elle excelle d’ailleurs autant à nous plonger dans ses bas-fonds, ses bordels, ses cachots, qu’à faire s’enfoncer nos pieds dans les terrains boueux de la Normandie.

Elle nous sert, par son style d’écriture, un cocktail détonnant alliant finesse et franche vulgarité. J’ai particulièrement savouré les expressions qu’elle emprunte à l’époque, les apostrophes et autres insultes – mention spéciale pour foutriquette, caliborgnette ou poufiote, à placer à tout prix dans un dîner non mondain.

J’ai cependant de petites réserves. J’ai trouvé premièrement que le souffle romanesque était moins fort au fur et à mesure du roman. Je trouvais que les détails glauques, sordides, scatologiques et grossiers, prenaient en effet le pas sur le récit et se faisaient trop nombreux à mon goût.

Cela ne m’a, bien entendu, pas empêché d’apprécier cette lecture, même si j’ai été quelque peu gênée, par moments, je l’avoue…

J’ai reçu cet ouvrage grâce à la Masse Critique de Babelio, je les remercie vivement pour cet envoi, ainsi que les Éditions de la Martinière. Je ne suis pas prête d’oublier cette rencontre avec la Pâqueline !

La Pâqueline ou les mémoires d’une mère monstrueuse d’Isabelle Duquesnoy, Éditions la Martinière