« Les protégés de Sainte Kinga » de Marc Voltenauer

Je connaissais Marc Voltenauer grâce à la lecture de Qui a tué Heidi ? – encore une pépite découverte grâce au Prix des Nouvelles Voix du Polar Pocket -, un autre polar de la série imaginée autour du brillant et attachant inspecteur suisse Andreas Auer. Le voici à présent appelé sur une nouvelle enquête, et plus particulièrement, sur une opération d’envergure : une prise d’otages dans les Mines de sel, un monument touristique phare de la ville de Bex. Parmi les otages, une classe d’adolescents – parmi lesquels, et ce n’est pas un hasard, le neveu de l’inspecteur, Adam – leurs professeurs, les membres d’un groupe du Bloc Identitaire suisse, ainsi que des hommes travaillant dans la Mine. C’est un homme grimé en Charlot et se faisant appeler comme tel doté de la souplesse et des expressions d’un mime, qui mène avec fermeté et terreur les opérations en compagnie de complices dont on ne connaît pas le nombre exact et dont certains pourraient se trouver au-dehors…

Le compte-à-rebours est alors lancé : heure après heure, nous suivons l’évolution de la situation, les âpres négociations pour la libération des otages, les revendications d’un assaillant qui devient de plus en plus cynique, pressant, exigeant. Aux demandes d’une forte somme en francs suisses et en bitcoins en échange de certains otages, viennent succéder des demandes plus précises, plus ciblées, plus… loyales. Celle de l’acceptation d’une demande d’asile pour un père de famille afghan, puis d’une déclaration d’un père de l’Église intolérant en faveur des homosexuels, ou du baptême d’une salle au nom d’un certain Aaron Salzberg. L’ennemi se montre de plus en plus troublant, déstabilisant, tant il semble parfaitement renseigné : sur les faits et gestes des policiers, et même, leur histoire personnelle, mais aussi sur les techniques informatiques de pointe qu’ils utilisent. On commence à saisir l’ampleur du plan mis au point par Charlot, tout autant que l’objectif de toute cette mise en scène. Et peu à peu, c’est notre regard qui se met, subrepticement à changer, à voir les choses en plus grand, à comprendre, même, ce qui est en train de se jouer dans cette Mine qui se transforme en gigantesque tribunal, en lieu de réhabilitation de la justice.

Les protégés de Sainte Kinga est un polar prodigieux, aussi incroyablement et précisément fomenté que le plan de Charlot, lui-même. En plus de nous faire trembler minute après minute pour le sort des otages, l’auteur nous plonge dans une intrigue qui puise ses sources dans l’histoire de la Mine de sel de Bex, des mystères qui l’entourent et de la Sainte Patronne des miniers, Sainte Kinga. Aussi, il nous fait voyager dans le XIXème siècle à la rencontre d’Aaron Salzberg (tiens ?), un jeune polonais juif ayant travaillé dans la Mine, en entrecoupant ses chapitres de sauts dans le temps habilement amenés qui viennent accroître un suspense insoutenable.

Marc Voltenauer ne nous laisse aucun répit dans l’action menée, mais nous offre ce temps propice à un recul qui, lui-même, laisse place à l’empathie. Il ancre son histoire dans du réel, du concret, de sorte que tout est crédible, tout tient parfaitement la route. Il a pensé à toutes les failles possibles du plan de son récit et les a contournées, il a renforcé toutes les pierres qui faisaient tenir les fondations de son intrigue.

C’est un polar vertigineux courant sur plus de 500 pages haletantes, impossibles à lâcher – ou au prix de maints efforts, car oui, il faut quand même dormir un moment ou un autre – où on est pris dans l’action, plongé au coeur de la Mine aussi bien aux côtés des otages que de Charlot (eh oui), qu’à l’extérieur avec les équipes de polices, les familles.

Merci à Slatkine&Compagnie et à Babelio pour cette lecture qui me donne envie de poursuivre avec un autre polar de l’auteur. Et pourquoi pas L’Aigle de sang, tiens, qui plane justement au-dessus de ma bibliothèque…

Les protégés de Sainte Kinga de Marc Voltenauer, Editions Slatkine&Cie