« Ce qu’il faut de nuit » de Laurent Petitmangin : un coup de cœur, un crève-cœur

Dans Ce qu’il faut de nuit, premier roman de Laurent Petitmangin, un père raconte avec des mots simples et bouleversants, empreints d’une tendresse infinie, comment une vie peut basculer, sur un rien.

Dans une petite ville de Lorraine, près de Metz, un père vit seul avec ses deux fils, Frédéric – dont les aptitudes inouïes au foot lui ont valu le surnom de Fus, diminutif du mot allemand Fußball – et Gilles (alias Gillou), depuis que sa femme, leur mère, a succombé à un cancer. Premier basculement, premières conséquences.

Cheminot à la SNCF, le père doit continuer à travailler en haut de ses caténaires pour subvenir aux besoins de ses petits gars, tout en assumant ses fonctions à la section du Parti Socialiste (un groupe de militants dans lequel il se reconnaît de moins en moins), tout en accompagnant son Fus aux entraînements et en cherchant pour son Gillou de belles études, même si cela doit impliquer son départ de la maison.

La vie ne m’avait pas fait trop de cadeaux, mais j’avais deux gaillards qui s’aimaient bien. Quoi qu’il arrive, l’un serait toujours là pour l’autre.

Malgré tous ses efforts pour maintenir à flots cette famille au bord du naufrage, les vacances au Luxembourg, les repas à l’écoute attentive des journées de l’un ou de l’autre, un nouveau basculement, inévitable, aura lieu. Son Fus va prendre, peu à peu, la tangente, trouver une bande de copains peu recommandables avec qui il ne fera pas que retaper des meubles, comme il le dit au départ. Des drôles de types qui vont avoir raison du côté influençable de Fus, de sa gentillesse naturelle, en le convainquant que Marine est la seule issue pour cette France en déliquescence, que la violence en vaut parfois la peine.

Dévasté, désarmé, le père n’aura d’autre arme que le silence. Et puis viendra ce troisième basculement, ce jour où le drame, ce prévisible drame, sans retour possible, se produira. 

J’avais compris que la vie de Fus avait basculé sur un rien. Que toutes nos vies, malgré leur incroyable linéarité de façade, n’étaient qu’accidents, hasards, croisements  et rendez-vous manqués. Nos vies étaient remplies de cette foultitude de riens, qui selon leur agencement nous feraient rois du monde où taulards.

En seulement quelques pages, Laurent Petitmangin dit plein de choses de la détresse d’un père usé, fou de chagrin face à l’éloignement de ses petits gras, physique pour l’un, pour l’autre.

Il nous fait voir ce cœur brisé par la culpabilité, anéanti face à ce qui lui échappe, mais aussi et surtout, rempli d’un amour à le faire exploser. Car il est sans bornes, inconditionnel, l’amour qu’il porte à ses deux fils. Malgré l’impardonnable que commettra son Fus, il restera envers et contre tout, son Fus.

Rien qu’en écrivant cette chronique, les larmes me remontent aux yeux comme lors de ma lecture, tellement les émotions demeurent vives en moi. Ma gorge se serre comme prise dans un étau en repensant à ces trois personnages magnifiques, à cette façon sublime avec laquelle ce père met des mots sur ce qu’il ressent pour ses fils. Nul besoin pour lui de s’embarrasser de phrases interminables ou alambiquées pour cela : les phrases courtes pleines de mots simples suffisent, comme souvent, à dire l’essentiel.

C’est un coup de cœur ou plutôt un crève-cœur, ce roman. Un écrin d’émotions multiples. Une plume qui vient d’éclore et qui, je l’espère, continuera à nous bouleverser à travers de nouvelles histoires. Puisse cet appel arriver jusqu’à vos yeux, cher Laurent Petitmangin ! Merci pour votre livre.

Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin, Éditions La Manufacture des livres