Vous avez peut-être entendu parler des polars doux de Charles Aubert publiés en grand format chez Slatkine&Compagnie. Notamment grâce à la sélection de Bleu Calypso pour le Prix des Nouvelles Voix du Polar 2020 des Éditions Pocket. Si ce n’est pas encore le cas, j’espère de tout cœur que cet article et cette interview vous donneront envie d’aller taquiner cette plume aiguisée, de déguster cette prise du bon mot et des phrases qui font mouche, et de vous laisser hammeçonner par le don de l’auteur pour le suspense…


Niels Hogan est un quarantenaire un peu bourru qui s’est retiré du monde – et plus particulièrement, de la frénésie parisienne – pour venir se terrer dans une cabane au bord de l’étang des Moures, dans une petite ville près de Montpellier. Il mène une vie paisible, entre chasse de bons clichés, pêche No Kill et tradition, à fabriquer et commercialiser des leurres – qui, no spoil, donnent leur nom à chacun des romans de cette formidable et originale série de polars, qui, je l’espère, durera longtemps -, et faire bonne chaire avec son meilleur ami Vieux Bob. Mais évidemment, l’adage « Il faut se méfier de l’eau qui dort » comme souvent, se vérifiera, aussi bien dans Bleu Calypso que dans Rouge Tango.
Flanqué de Lizzie, une jeune journaliste loin d’être farouche, du capitaine Serge Malkovitch, et de son meilleur ami, il va devenir malgré lui un enquêteur en herbe doté d’un instinct à faire pâlir Sherlock Holmes, et d’une maladresse à rendre jaloux un Pierre Richard.
Dans Bleu Calypso comme dans Rouge Tango, on passe de savoureux moments avec la même bande, que l’on retrouve avec le même plaisir inégalé. Dans le premier, on mène avec les personnages une enquête autour de cadavres noyés dans les profondeurs des étangs ; dans le deuxième, sur une disparition liée au grand banditisme corso-marseillais. Charles Aubert a le don de reprendre les ingrédients qui rendent la lecture de ces polars si exquise, tout en renouvelant sa recette : les deux intrigues n’ont en effet rien en commun et la troisième de la série, j’en suis sûre, nous emmènera elle aussi, vers d’autres trépidants horizons.
Il me tarde de retrouver cette libre et intrépide Lizzie, ce Niels râleur et sensible, ce Malko intraitable et digne de confiance !
Appréciant tout comme Niels les jeux de mots aussi vaseux que ses étangs alentours, je me risquerais à dire que les polars de Charles Aubert, donnent la pêche…
Découvrez l’interview que j’ai eu la chance de faire avec Charles Aubert que je remercie vivement, encore et encore pour ses réponses !

Comment vous est venue l’idée de ce personnage un peu ronchon, un peu ermite, qui devient, malgré lui et grâce à ses acolytes Malkovitch, Lizzie et Vieux Bob, un enquêteur hors pair ?
J’avais envie de parler de quelqu’un qui ne se reconnaît plus dans notre société, qui est en rupture et essaie, malgré tout, de se reconstruire en essayant de repartir à zéro. J’avoue partager quelques points communs avec Niels. Notamment ce désir de vivre plus en harmonie avec la nature. Plus loin des gens, aussi…
Vous décrivez parfaitement l’ambiance qui semble régner dans cette petite ville de l’Hérault. Êtes-vous familier des lieux ? Et si oui, ont-ils été des sources d’inspiration pour vos originales enquêtes ?
J’habite dans ces mêmes lieux (pas dans une cabane comme Niels, mais dans une petite maison). Je passe beaucoup de temps dans la nature. En kayak ou à pied. En écrivant cette série de romans, je voulais aussi parler, comme je le disais dans la question précédente, de mon amour de la nature. Elle est ainsi très présente dans mes romans.
Vous avez l’air de connaître sur le bout des doigts les techniques de pêche et de fabrication de leurres. Êtes-vous, tout comme Niels, passionné par ces sujets ?
Je pêche en kayak aux leurres comme Niels. Et comme Niels, je pratique le No-Kill. C’est-à-dire que je ne tue pas les poissons. Je les relâche. Le No-Kill permet « d’éduquer » les poissons. En effet, ayant été berné une fois par un leurre, ils deviennent méfiants. Des études ont démontré qu’ils pouvaient même transmettre cette méfiance à d’autres poissons. C’est donc un mode de pêche totalement respectueux de la vie.
Vos polars ne manquent pas d’humour (je ne pensais pas qu’il était possible de rire autant en lisant des polars) : est-ce une manière pour vous d’édulcorer le genre afin de le rendre accessible à tous les lecteurs ?
« L’humour est la politesse du désespoir ». Je ne sais plus exactement qui a dit cette phrase. Mais je l’aime beaucoup. L’humour permet aussi de faire un contrepoids à la nécessaire tension qui parcourt un roman policier. C’est une sorte de respiration qu’on prend avant de plonger plus profond. Et puis, c’est aussi quelque chose qui est vital pour moi. Impossible d’envisager la vie, l’amour, l’amitié, l’écriture… Sans humour…
Êtes-vous, comme j’ose l’espérer, en train de plancher sur Vert Samba ? Et si oui, pouvez-vous nous en parler un peu ?
Vert Samba paraîtra aux Éditions Slatkine & Cie le 4 mars 2021 (si la Covid le permet). Ce sera le troisième opus de la série qui a débuté avec Bleu Calypso. Peut-être pas le dernier, car j’ai envie de continuer avec ces personnages auxquels je me suis beaucoup attaché. Je ne peux malheureusement pas dévoiler ni le sujet ni l’intrigue. Mais je peux vous annoncer que de nombreux rebondissements viendront bouleverser la vie de notre petite bande d’amis qui a pris ses habitudes au bord de l’étang des Moures.
Question bonus : j’ai pris l’habitude de demander aux auteurs que j’ai la chance d’interviewer un conseil de lecture pour des occasions particulières. Pour contrer la morosité ambiante, auriez-vous un conseil de lecture sympathique à destination des lecteurs confinés ? Pour ma part, je ne saurais que trop conseiller Bleu Calypso et Rouge Tango !
Pour contrer la morosité ambiante, comme vous dites, je verrais bien la recette suivante :
- Une dose de Le livre de la cuisine de la série noire de Arlette Lauterbach et Alain Raybaud. Histoire de cuisiner tranquille pendant le confinement en préparant les petits plats emblématiques des héros de polars.
- Une dose de L’hôtel New Hampshire de John Irving parce que Irving, ça file toujours le sourire. Ça remet en place des choses qui sont tout au fond de soi…
- 25 centilitres de Au bonheur des ogres de Daniel Pennac. Parce que je l’ai lu (lui et les autres opus de la série Malaussène) il y a très longtemps de ça et que ça m’a laissé un souvenir joyeux et très doux.
- 3 cuillères d’Un singe en hiver d’Antoine Blondin, parce que Blondin, c’est quand même top, non ?
- Une pincée de Histoires de peinture de Daniel Arasse pour se faire plaisir avec des grands peintres et des histoires de tableaux célèbres. Pour croire à nouveau en l’homme et en son humanité…
Bleu Calypso et Rouge Tango de Charles Aubert, Éditions Slatkine & Compagnie. Bleu Calypso est disponible en poche aux Éditions Pocket.