Broadway de Fabcaro

Que manque-t-il à Axel pour être profondément heureux ?

À 46 ans, marié à Anna, père de Jade (une adolescente un chouïa nerveuse) et Tristan (un petit garçon doté d’une certaine aptitude pour le dessin), il vivote plutôt bien jusqu’à ce que l’Assurance Maladie et son courrier sur le dépistage du cancer colorectal vienne le déloger de son piédestal. Ce courrier est pour lui une véritable claque : comment se fait-il en effet qu’il le reçoive, lui, alors qu’il n’a même pas cinquante ans ? Et puis, comme souvent dans la vie, quand une de nos certitudes vacille, ce sont tous les autres domaines qui, peu à peu, s’écroulent les uns à la suite des autres.

Rien ne ressemble à ce qu’on avait espéré, rien ne se passe jamais comme on l’avait prévu, le résultat est toujours à des années-lumière de ce qu’on avait projeté, nous sommes tous dans une comédie musicale de spectacle de fin d’année, dans un Broadway un peu raté, un peu bancal.

En quelques jours, le voici convoqué par la prof d’anglais de son fils en raison des dessins érotiques auxquels ce-dernier s’applique pendant son cours, acculé par sa fille de faire son devoir de père en souhaitant le pire pour son ennemie jurée (cierge à l’appui), poussé par les insupportables amis de sa femme à passer des vacances à Biarritz pour s’adonner au pire sport (le paddle !) et, cerise sur le gâteau, gêné par de petits picotements au cœur assez mal venus face à une jeune femme…

En un mot comme en cent, tout part à vau-l’eau dans la vie d’Axel. Et c’est en proie à cette crise existentielle qu’il se confie à nous, lecteurs, tout au long d’une centaine de pages vraiment, vraiment drôles.

Pourquoi ce besoin de partir en vacances ensemble ? Dans quel but ? Qu’avons-nous à y gagner ? Comme s’il s’agissait de valider un nouveau palier dans notre relation, passer un cap dans l’amitié, comme on obtient une nouvelle ceinture au judo : après ces vacances ensemble, nous serons ceinture marron d’amitié.

Je connaissais, comme beaucoup de lecteurs, le Fabcaro fantaisiste bédeiste, bien moins le romancier et ce fut une jolie surprise. J’ai éclaté de rire à de nombreuses reprises – un conseil, si vous avez le moral en berne, emparez-vous de ce croustillant ouvrage – et ai noté quelques-unes des nombreuses phrases magiques qui jalonnent cette joyeuse litanie. Il a l’art de la punchline, de l’ironie bienveillante – surtout envers lui-même – un humour au 47ème degré dont on se délecte et qu’on redemande. Notons aussi son incroyable capacité à se fourrer dans les situations les plus embarrassantes, et ce, avec une agilité confondante – mention spéciale pour le visionnage de l’interminable scène de sexe au cinéma, lors d’une sortie familiale qui fera date.

Petit bémol toutefois (il y en a quand même un), il m’a manqué ce fil conducteur saillant entre les différents événements vécus et relatés par Axel, j’avais parfois l’impression de lire une juxtaposition de saynètes – toutes plus drôles les unes que les autres, certes -, et que celles-ci ne s’enchaînaient pas toujours de manière naturelle.

On m’a sinon dit le plus grand bien du Discours, je me garde cette lecture sous le coude en cas de soudain vague-à-l’âme…

Broadway de Fabcaro (Éditions Gallimard, Sygne)