« Fermer les yeux » d’Antoine Renand

J’avais eu la chance de découvrir en avant-première le premier thriller d’Antoine Renand, L’Empathie, paru aux Éditions Robert Laffont en janvier 2019 dans l’excellente collection dirigée par Glenn Tavennec, lorsque j’étais libraire en charge des polars. J’avais dès lors eu, à la lecture des premières pages, la sensation de tenir une bombe entre les mains. Ajoutée à celle-ci, l’excitation de découvrir en exclusivité le polar dont tout le monde allait bientôt parler.

Un page-turner ? Plus que cela. L’Empathie est de ces polars qui vous donnent des sueurs froides, vous collent des émotions délicieusement angoissantes par son suspense implacable, la description d’une atmosphère pesante, la caractérisation de personnages qui suscitent en vous des émotions contradictoires – c’est d’ailleurs là que le titre prend tout son sens… Vous imaginez aisément que les clients qui me réclamaient un conseil de « bon polar » repartaient avec ce dernier sous le bras. J’avais ensuite suivi l’auteur à la trace, me félicitant de le voir en lice pour de nombreux prix, guettant la sortie de sa prochaine pépite.

Et la pépite, la voici. Elle s’appelle Fermer les yeux et vient de sortir aux Éditions Robert Laffont, toujours dans la collection de la Bête Noire. Et c’est un nouveau coup de maître.

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2005, le village de Presles-la-Vallée, en Ardèche, est en émoi : la petite Justine disparaît alors qu’elle jouait avec ses amis. Quelques heures plus tard, Dominique Tassi, adjudant chargé de l’enquête, surprend Gabin Lepage, un villageois « en marge » déjà mis en cause pour des affaires de pédophilie, penché sur un petit corps atrocement mutilé, portant notamment des brûlures sur ses parties intimes. C’est celui de la petite Justine. Pour les habitants de Presles-la-Vallée, traumatisés, meurtris par la disparition d’une petite fille qu’ils ont vu grandir, il n’y a aucun doute : il est l’homme à abattre. Pour la police, il est le coupable idéal. Acculé aux aveux, il est condamné.

Quinze ans après, Dominique Tassi est à la retraite. Un soir, en regardant les informations, il ressent un électro-choc : une jeune fille, Laetitia Martinez, vient d’être retrouvée assassinée avec, sur son corps, le même type de traces que sur celui de la petite Justine… Jadis. Au même moment, dans la région, d’autres disparitions sont signalées. Pour Tassi, il n’y a plus de doute. Gabin Lepage n’était pas leur homme.

C’est le début de l’Ultime Enquête pour l’ancien gendarme qui entend faire éclore la vérité, quoi qu’il en coûte. Menée tout d’abord en solo, puis aux côtés de Nathan Rey, un profiler et écrivain à succès, marqué par un drame qui lui a volé son enfance, et d’Emma, une redoutable avocate très médiatisée, qui, depuis des années, se bat pour que soit clamée l’innocence d’un de ses clients : Gabin Lepage.

Aussi excellemment ficelé et aussi machiavélique que son premier roman, le nouveau thriller d’Antoine Renand nous scotche par la véracité des situations décrites, la crédibilité de ses personnages, ce rythme mené tambours battants – de celui qui vous fait tourner frénétiquement les pages, rendant impossible toute velléité de « Encore un chapitre, et j’arrête ». Quand Antoine Renand nous dépeint une battue dans les alentours d’un village, une scène de procès, une traque dans une chambre d’hôtel ou dans un cinéma, nous y sommes. Il ne fait pas que décrire, d’ailleurs, il met en scène, véritablement. Nous voyons tout, même si on préférerait parfois fermer les yeux.

Pas de doute, Antoine Renand, scénariste de métier, connaît les codes et ne laisse aucun répit à son lecteur. Aucun temps mort, aucun moment « de trop », tout s’articule logiquement jusqu’à ce qu’éclate la vérité.

Les trois personnages principaux sont ancrés dans une réalité qui nous parle. Dominique Tassi nous touche dans son rôle de flic rongé par le remords, obligé de se réfugier dans l’alcool et la solitude, mais prêt à tout pour que justice soit faite. Nathan Rey, en écrivain obnubilé par les serial killer, fascine autant qu’il intrigue. Emma, quant à elle, force notre admiration par sa détermination et sa force de caractère, sa manière de faire fi de toute intimidation. Attendez-vous à ce que vos cœurs battent au diapason des leurs, à trembler pour leur sort comme s’ils étaient de vos amis. Et surtout, à ne pas beaucoup dormir une fois le livre commencé.

Vous l’aurez compris, le second roman d’Antoine Renand va vous faire garder les yeux ouverts…

Chapeau bas, cher Antoine Renand pour ce thriller magistral. Je peux déjà vous dire, chères lectrices, chers lecteurs, qu’une petite interview de l’auteur sera bientôt publiée sur mon blog. Encore un peu de patience !

Fermer les yeux de Antoine Renand, Éditions Robert Laffont

À noter que L’Empathie est depuis peu disponible en poche aux Éditions Pocket ! Je vais d’ailleurs avoir l’occasion de le relire dans le cadre du Prix des Nouvelles Voix du Polar pour lequel je rempile pour la troisième année.