J’ai eu le plaisir de découvrir la plume de Victor Pouchet à travers la lecture de son second roman, Autoportrait en chevreuil qui paraîtra le 20 août aux Éditions Finitude – qui, comme vous le savez maintenant, me sont chères ! Un petit avant-goût de la prochaine rentrée littéraire, donc, et même de l’hiver prochain avec cette première de couverture au point de croix qui fleure bon le sapin.
Nous suivons trois personnages à travers trois narrations qui se dévoilent sur trois chapitres différents. Mais c’est surtout l’un d’eux que nous prenons en chasse : Elias, un prénom sûrement prémonitoire, car à une lettre près, ça fait hélas. Un enfant, puis un jeune homme de trente ans, orphelin d’une mère qui portait un prénom de Reine et élevé par un père magnétiseur, médium, paradoxologue, et coupeur de feu, par-dessus le marché. Un homme obsédé par les ondes électro-magnétiques qu’il traque comme un dément et les champs scalaires, qui passe son temps à faire parler les bâtons d’Horus et à apprivoiser des animaux-totems. Un fou pour les habitants du village qui, pourtant, ne rechignent pas tous à lui demander son avis sur d’étranges phénomènes ou à les guérir de brûlures.
Certains disaient que mon père était un mage, qui avait accès à des choses que personne ne percevait. D’autres pensaient qu’il était fou. Moi, je ne m’étais pas encore fait une idée très nette, j’attendais de voir.
L’enfance d’Elias s’écoule ainsi, au rythme des découvertes de son père et des tests qu’il effectue sur de nouveaux engins. Il les manipule comme un enfant tripoterait un nouveau jouet, avant de s’en lasser et de s’emparer d’un autre. Les arrivées de Céline – une jeune femme aussi frêle que triste – dans leur drôle d’existence, puis de Ann, petit garçon inquiétant qui héritera de la fascination de son père, ne viendront pas sauver Elias de son sort, bien au contraire…
Deuxième partie, deuxième narration : celle d’Avril, une jeune femme indépendante et forte, qui va croiser la route sinueuse de la vie d’Elias, au détour d’une bibliothèque. Rédigée sous la forme d’un journal intime dans lequel elle compile jour après jour ses moments avec Étienne, avec ses amis et avec Elias, ses interrogations face à ce Bancal Bibli qui semble miné par des trucs d’enfance qui prennent toute la place, lui [donnant] l’impression d’être en apnée à 20 000 lieues sous la mer.
Et pour finir, nous entendons ce père pour qui on ne peut s’empêcher de ressentir un mélange de colère et de pitié, sous la forme d’un long et touchant monologue qui s’écoule sans discontinuer, comme si sa rencontre avec Avril avait brisé une digue.
J’ai beaucoup aimé la structure de ce roman : à travers ces trois narrations, nous parvenons à brosser, à notre tour, le portrait en chevreuil (Pourquoi en chevreuil ? Vous le découvrirez en lisant le livre) d’Elias. Chacune vient apporter les éléments du puzzle d’une enfance en marge, morcelée par les lubies d’un père, marquée par un sentiment de différence qui ne quittera jamais tout à fait cet homme-chevreuil.
Je me sens aussi extra-nerveux, pris dans notre génération nerveuse d’extra-nerveux. Mais l’inquiétude que j’ai incorporée ne me suffit pas pour me prononcer, j’ai l’impression d’être toujours à distance.
L’écriture de Victor Pouchet, en plus d’être belle, juste et sensible, pénètre avec précision les pensées et les façons de voir le monde de trois personnages très différents. Il parvient avec aisance à quitter la mue de la peau d’un enfant perturbé et cleptoman, pour se couler dans celle d’un père énigmatique.
Une forme de suspense domine également le récit. On se demande quel drame est venu ravager la terre d’une enfance déjà si abîmée, pourquoi Elias semble nourrir une telle crainte pour le feu. Et si Avril va réussir à sauver Elias comme on aimerait le sauver, nous.
J’ai été ravie de découvrir cet auteur et vais m’empresser de lire son premier roman Pourquoi les oiseaux meurent, sur lequel les éloges ont plu à sa sortie en 2017 et continuent de plus belle.
Un grand merci à l’agence La Bande et aux Éditions Finitude pour cette jolie découverte !
Autoportrait en chevreuil de Victor Pouchet, Éditions Finitude, sortie le 20 août en librairie