Prix du Meilleur Roman Points #3 : « Les enténébrés » de Sarah Chiche

Sacré Prix de la Closerie des Lilas 2019, Les enténébrés, troisième roman de l’écrivaine, journaliste et psychanalyste Sarah Chiche, est d’abord paru aux Éditions du Seuil en 2018. J’ai pu le découvrir grâce aux Éditions Points, dans le cadre du Prix du Meilleur Roman.

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Il va m’être difficile de résumer un texte aussi dense, aussi dur parfois, que celui-ci situé quelque part entre l’autofiction – l’autrice et la narratrice n’étant qu’une seule et même personne – et le roman.
Dans Les enténébrés, Sarah Chiche déploie son histoire familiale sur quatre générations qui ont toutes reçu la folie en héritage. Il y a son arrière-grand-mère Cécile peut-être tombée enceinte de son frère Marcel ; sa grand-mère Lyne abandonnée par un mari anciennement déporté au camp de Buchenwald parti refaire sa vie à Abidjan, et persuadée d’être la maîtresse de Jean Marais ; puis sa mère Ève devenue veuve alors que Sarah n’avait que quatre mois, qui la battait avant de la déposer à l’école.
Les drames s’enchaînent et se transmettent, comme une malédiction. Sarah parviendra t-elle à briser la chaîne afin de préserver sa propre fille ?
Je n’arrive pas à savoir ce qui est le pire sur l’échelle du pire.  […] Mais je crois que, passé un certain seuil, il n’y a plus de gradation du mal au pire. Tout se vaut, ou tout se confond.
L’autrice et psychanalyste Sarah Chiche nous parle ici de ces fantômes qui hantent son présent, nous replongeant à chaque fois dans l’époque, le contexte historique dans lequel chaque destin a pris place. La fiction de son idylle avec deux hommes vient se mêler à cet ensemble de faits.
Je me suis sentie complètement vidée de mon énergie en fermant ce livre.
La lecture de certains passages m’a paru extrêmement fastidieuse. Toutes les horreurs qu’elle nous raconte sur sa famille, qu’elle rapporte d’une époque ou qu’elle évoque sur la nôtre étaient si éprouvantes que certaines pages me semblaient peser un tonne.
Par ailleurs, l’écriture de Sarah Chiche, quoique très belle, me perdait. Elle reproduit le mouvement confus de ses souvenirs, on passe d’une narration à une autre en une fraction de seconde, du discours d’une descendante à celui de son ascendante. Le style est parfois déconcertant, avec des phrases entières parfois dénuées de ponctuation, suivant le fil ininterrompu de ses pensées, le flot intarissable de dialogues qu’elle a pu avoir avec sa mère, des bribes de son histoire familiale qui lui revenaient comme un flash d’une grande brutalité. Il y a beaucoup de violence et de crudité dans les histoires d’amour qu’elle décrit et qu’elle vit avec Paul, son mari, et Richard K., violoncelliste de renom qu’elle a rencontré à Vienne et qui est de 20 ans son aîné.
Seule la première partie du roman m’a plue, j’ai aimé le récit de cette histoire d’amour passionnelle avec Richard.
– Je ne comprends rien. Pourquoi venez-vous à Paris ?
– Pour vous aimer.
Puis, peu à peu, j’ai trouvé que les faits, à force de s’emmêler, se brouillaient tellement que je ne prenais plus plaisir à les lire, m’interrogeant fréquemment sur les sujets des histoires dont elle était la dépositaire. J’ai fini par me sentir perdue, par avoir envie de sauter des passages présumant que certains ne m’apporteraient pas d’informations sur la progression du récit de vie d’Ève ou de Lyne, de Sarah elle-même, ni de révélations quelconques.
Le puzzle de toutes ces histoires, bien loin de se constituer dans mon esprit, se disloquait, les pièces qui restaient ne trouvaient pas leur place.
Demeuraient, heureusement, quelques passages d’une beauté pure. D’autres passionnants où elle évoque ses propres travaux, sa connaissance de Pessoa ou Freud, où les petites histoires des membres de sa famille l’amènent à enquêter sur la grande Histoire.
Des phrases dont je me suis délectée, aussi.
Le jour où tu sauras lire, tu ressentiras une joie immense, la joie de te rendre compte que l’instant d’avant, tu ne connaissais pas encore une chose, et que soudain, tu l’as trouvée.
Des émotions que j’ai ressenties au diapason des siennes. Mais qui ont été englouties dans une bourrasque trop lourde, trop pessimiste, trop désespérée.
Une lecture que je n’ai sûrement pas faite au bon moment…
Les enténébrés de Sarah Chiche, en grand format au Seuil et en petit format aux Éditions Points.