Violaine Lepage (un choix onomastique tout sauf anodin) règne sur une des maisons d’édition les plus en vogue de la capitale. Elle est elle-même une personnalité très en vue du gratin germano-pratin, pour preuve : les murs de son bureau tapissés de photos d’elle entourée de Modiano, Murakami ou encore Stephen King – dont elle a le numéro de portable, soit dit en passant. Dans sa maison d’édition, le « Service des manuscrits » composé d’un petit comité de lecteurs tourne à plein régime, guette chaque jour LE manuscrit sur lequel sera apposé un soleil, symbole de coup de cœur absolu. Chose si rare que lorsque la plus jeune lectrice du Service lit les premières lignes du manuscrit de Camille Désencres (tiens ?) Les Fleurs de sucre, le monde s’arrête. Elle en est sûre : elle tient entre ses mains un futur succès de librairie.
Un coup de cœur immédiat qui fera battre au diapason celui de toute son équipe, de Violaine et de Béatrice, la doyenne du Service. Puis une fois imprimé, celui de milliers de lecteurs et enfin, de membres du Jury de prestigieux prix comme… Le Goncourt. Une consécration, un Graal, pour cette maison. Seul petit hic : l’autrice demeure introuvable. Sur la page de garde, seule trône une adresse mail, nulle adresse postale, ni numéro de téléphone. Aux mails de Violaine, elle met des semaines à répondre. L’éditrice insiste jusqu’à ce que sa dernière réponse devienne encore plus inquiétante que le silence dont elle avait fait preuve jusque-là :
Ce livre vivra sa vie en dehors de moi. Et ceux qui doivent mourir vont mourir. Toutes les dettes seront payées.
La tension monte d’autant plus qu’à quelques mois du Goncourt, la grande éditrice n’a toujours pas trouvé la trace de sa potentielle lauréate et que, cerise sur le gâteau, la police s’intéresse, elle aussi, de près à cet ouvrage…
Commence alors, pour Violaine, un jeu de piste rocambolesque, qui va la renvoyer à de douloureux souvenirs…
Cher lecteur, j’espère ne pas t’avoir effrayé avec cette présentation qui t’aura peut-être fait froid dans le dos ! Si tu n’aimes pas les polars macabres, rassure-toi, ce n’en est pas un. Ce serait plutôt une fable policière menée tambours battants au cœur du monde de l’édition, bourrée de clins d’œil bienveillants et d’allusions à l’ironie douce. Mention spéciale également pour les descriptions de ma bien-aimée Normandie et de ses patelins où il ne se passe… rien.
– Mais vous n’êtes pas sérieux, lieutenant, fit l’élu d’une voix tremblante. J’ai des administrés, moi, la panique va s’emparer de la région et Bourqueville est un lieu calme et paisible, ici on ne vit pas de sang, mais de cidre et de livarot.
Dès que tu auras posé les yeux sur le corbeau-liseur de la première de couverture, tu auras envie de l’attraper et de l’écouter te raconter ses secrets. Et aussitôt que tu auras commencé à lire, tu n’auras aucune intention de lâcher ce roman car c’est un absolu divertissement, une lecture jouissive où le suspens nous donne envie de tourner les pages à toute allure, et où, en même temps, le style irrésistiblement drôle de l’écrivain nous invite à ralentir la cadence et à se délecter de chaque tournure. J’ai adoré la description du monde de l’édition que nous offrait Antoine Laurain, ai ri devant l’énonciation de ses réalités : la (vraie) raison d’être d’un déjeuner d’auteur, l’effervescence autour du Goncourt et cette alchimie parfaite entre la reconnaissance littéraire et la machine commerciale. J’ai appris des choses, aussi, comme le fait qu’être publié était un rêve partagé par deux millions de Français, que 500 000 manuscrits étaient refusés par an, toutes maisons confondues…
Ainsi, lecteur, empare-toi de l’histoire de Violaine Lepage et de son Service des manuscrits : elle mérite bien son lot de soleils.
Le Service des Manuscrits d’Antoine Laurain (Éditions Flammarion), reçu dans le cadre de la Masse Critique de Babelio