Je continue l’ascension fulgurante de ma PAL avec cette nouvelle lecture faite dans le cadre du Prix du Meilleur Roman Points : Manuel de survie à l’usage des jeunes filles, premier roman de l’auteur écossais Mick Kitson, paru en grand format chez Métaillé en août 2018 et très récemment en poche chez Points… Après un départ difficile, je me suis passionnée pour l’histoire de ces deux jeunes filles pleines de courage.
Les Highlands, aujourd’hui. Paula, alias Peppa, et Salmarina, alias Sal, deux demi-soeurs de 10 et 13 ans, ont élu domicile dans la forêt de Galloway, loin de chez elles. D’emblée, on se demande ce que font ces deux petites filles ainsi livrées à elles-mêmes. Depuis combien de temps sont-elles là ? Où est leur famille ?
On apprend alors qu’elles ont fui leur foyer, leur beau-père Robert, violent et pédophile, et leur mère alcoolique. Ce plan, aussi insensé semble-t-il, avait été mûrement préparé. Un an durant, elles avaient suivi les conseils que dispensait Bear Grylls sur sa chaîne YouTube, et notamment pour débusquer et dépecer le lapin ; potassé ce qui est devenue leur bible, le Guide de survie des forces spéciales ; s’étaient procuré le matériel indispensable à leur survie sur Amazon avec l’une des nombreuses cartes bleues de Robert, sacs de couchage, bâches et autres baskets Gore-Tex ; avaient constitué leur trousse de médicaments, leurs provisions et rassemblé quelques livres pour Peppa. Elles se nourrissent de gâteaux Belvita et de petits animaux qu’elles arrivent à chasser grâce aux pièges disséminés astucieusement sur les conseils de Bear Grylls, avant d’achever leurs proies au couteau ou à la carabine à air comprimé de Robert.
Ce qui est fascinant, c’est qu’on aurait presque l’impression qu’elles y sont nées, dans cette forêt, tellement elles y semblent chez elles, tellement elles s’y débrouillent comme personne. Elles y mènent la vie qu’elles souhaitaient.
Alors que la police les recherche, elles ne perdent pas de vue la deuxième partie de leur plan : retrouver leur mère, Claire, et l’emmener vivre avec elles dans la forêt. Elles seront aidées par Ingrid, une ancienne médecin allemande adepte de remèdes naturels et incollable des plantes, qui, elle aussi, vit dans la forêt et à qui elles vont rapidement s’attacher…
Je sais tirer avec une carabine à air comprimé et me servir d’une canne à pêche mais pas d’une canne à mouche qui utilise une ligne lestée pour lancer la mouche jusqu’au poisson parce que je ne l’ai jamais fait. Je sais lire une carte, calculer des coordonnées, tracer un itinéraire avec une boussole et trouver les altitudes et les dénivelés. J’ai tué une personne, pas mal de poissons et jusqu’ici deux lapins.
J’ai été, au départ, assez décontenancée par le style d’écriture de ce roman. Très alambiqué, se déployant sur des phrases très longues où les polysyndètes et les absences de virgules sont légion, il reproduit la manière de parler de Sal, l’aînée des deux soeurs, et rend compte de sa pensée qui peut sembler désorganisée, mais qui, au contraire, va à mille à l’heure, et atteste de son époustouflante maturité, de son intelligence et de son ingéniosité. J’avais donc du mal à avancer dans ma lecture au tout début, ne trouvant aucune quelconque fluidité dans la narration. Puis, au fur et à mesure, je me suis prise d’intérêt pour le quotidien de ces deux petites filles débrouillardes, et d’une sympathie pour elles qui s’est rapidement transformée en attachement. La façon de parler de Sal ne m’arretait plus, au contraire, je n’aurais pu l’imaginer s’exprimer autrement.
Le lien qui unit les soeurs m’émouvait, tant il irradiait tout, rendant possible et supportable cette sur-vie.
J’avais un plan et j’avais fait en sorte qu’il n’arrive rien à [Peppa] depuis qu’elle était née et jusqu’à maintenant.
Je me installée dans cette lecture comme les filles dans leur campement. Je me sentais bien avec elles, blottie dans un duvet, au coin du feu. Quand Ingrid a fait irruption dans leur quotidien, j’ai eu l’impression que la famille s’agrandissait.
C’était une drôle d’impression comme avoir peur et être heureux en même temps.
Ce roman comporte aussi sa petite dose de suspens, car plus nous avançons dans notre lecture, plus nous en apprenons sur la « vie d’avant » de ces trois protagonistes, sur les raisons de cette fuite à l’écart du monde. Celle d’Ingrid m’a particulièrement fasciné.
Comme beaucoup de lecteurs, j’ai pensé à Thoreau en lisant ce livre, mais aussi à Dans la forêt de Jean Hegland ou à My Absolute Darling de Gabriel Tallent, bien que les styles d’écriture diffèrent radicalement. Ils ont en commun cette volonté de fuir la cruauté des hommes, de trouver confort et réconfort dans un mode de vie survivaliste, et dans une relation avec un être qui représente le monde entier.
Une lecture que je recommande chaleureusement ! Au passage, petit message à toi qui, peut-être, peines un peu dans ta lecture de ce Manuel : accroche-toi ! L’aventure est belle et en vaut la chandelle.
Manuel de survie à l’usage des jeunes filles de Mick Kitson (en grand format chez Métaillé, en poche chez Points)