« Pour seul refuge » : l’entrée fracassante de Vincent Ortis dans le monde du polar

Grâce à l’opération Masse Critique de Babelio, j’ai découvert le livre lauréat du Grand Prix des Enquêteurs orchestré par La Bête Noire et Le Figaro Magazine : Pour seul refuge de Vincent Ortis, paru récemment chez Robert Laffont.

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Nous sommes dans le Nord des États-Unis, dans les immensités sauvages et glacées du Montana. Le juge Edward McCarthy tombe en panne sur une route déserte, et coup de chance – ou coup du sort -, le lieutenant Ted Cortino qui se trouvait justement dans le coin vient lui porter secours. Il lui propose généreusement de l’héberger pour une nuit, avant de retourner chercher sa voiture.

Le lendemain, le Juge se réveille dans une cabane vide, perchée dans les montagnes, au milieu de nulle part. Ted ne semble pas se décider à le ramener et multiplie les prétextes pour différer leur départ, avec une étrange passivité… Plus les heures passent, plus la perplexité du Juge grandit devant l’impassibilité de ce policier qui l’emprisonne, sans vraiment le séquestrer. On découvre alors que le sauvetage du Juge sur le bord de la route n’était pas le fruit du hasard, et qu’il est indirectement lié à la mort de Thelma, la femme de Ted…

De l’autre côté de la montagne, un jeune indien, Alan Morocco, est lui aussi retenu prisonnier et condamné à apprendre par coeur des instructions, dans les plus terribles conditions.

Ces deux otages vont être réunis lors d’un jeu de piste macabre, orchestré par un veuf assoiffé de vengeance…

Vincent Ortis fait une entrée fracassante dans le polar avec Pour seul refuge.

Plongez dans ce thriller d’ambiance, sélectionné parmi plus de 150 manuscrits par un Jury de prestige (constitué de 12 membres, parmi lesquels : Philippe Blanche, chroniqueur polars du Figaro Magazine, Olivier Marchal, ancien inspecteur au SRPJ de Versailles, Maître Julie Granier, avocate au Barreau de Paris ou encore l’auteur Didier Decoin) dans le cadre du Grand Prix des Enquêteurs, et vous comprendrez le coup de coeur de ses membres.

L’auteur réussit à insérer les ingrédients du page-turner dans sa terrifiante et habile préparation, tout en marquant le genre du sceau de son originalité – il est rare que l’action d’un thriller français se déroule aux États-Unis et là, vraiment, on s’y croirait. Il parvient à créer une ambiance telle qu’on se sent aussi perdu et traqué que les personnages dans cette nature hostile, qu’on est tout autant qu’eux partagé entre l’envie de fuir et de rester cloîtré dans un huis-clos qui a fini par avoir quelque chose de rassurant. Il a ajouté à son excellente tambouille quelques pincées d’humour et de légèreté, à travers l’insouciance de certains personnages, leur relation, comme celle de Carter et de sa stagiaire, entre respect et taquinerie.

Le tout agrémenté d’un style qui nous glace en dépeignant une solitude vertigineuse – qui m’a fait penser à celui de Bernard Minier, dont je suis presque la plus grande fan du monde.

Secouez bien avec ce qu’il faut de rebondissements pour vous faire perdre la tête sans vous donner le tournis.

Et enfin, dernier élément de taille pour obtenir un résultat délicieusement angoissant : la description des personnages. L’auteur leur a donné une force, une densité. Certains sont même étrangement attachants et on s’en voudrait presque de ressentir envers eux une telle ambiguïté de sentiments. En s’emparant d’un thriller, on s’attend forcément à revoir nos jugements sur ses protagonistes, à perdre la confiance que l’on a aveuglément placé en eux. C’est le jeu. Mais là, je suis restée bouche bée à la lecture de certaines pages, en me demandant comment j’avais fait pour passer à côté de l’essentiel. Alors, Monsieur Ortis, je ne vous en veux pas, je vous ai pardonné et même, je vous ai admiré.

Merci pour cet excellent moment de lecture et bienvenue dans le cercle restreint des talentueux auteurs de polar !

Reçu dans le cadre de la Masse Critique de Babelio

Pour seul refuge de Vincent Ortis, La Bête Noire, Robert Laffont