Après le théâtre et le cinéma, Alexis Michalik se lance dans la littérature avec Loin qui vient de paraître aux Éditions Albin Michel. Déjà dans la liste des sélections de deux prix littéraires – et non des moindres, à savoir le Prix Renaudot et le Prix du Premier Roman-, Loin nous embarque dans une aventure passionnante, émouvante et réjouissante à travers le XXème siècle, l’Europe et bien au-delà, aux côtés d’un casanier et de deux phobiques des transports.
Comment avoir l’audace de prétendre être en vie si l’on vit sans oser ?
Loin, c’est l’histoire de trois jeunes gens, un peu paumés, en mal de repères et d’aventures. Il y a d’abord Antoine Lefèvre, qui, à vingt-six ans, s’apprête à rentrer dans un cabinet d’avocats – dont l’esperluette entre les deux noms suffit à indiquer son niveau de prestige – et à se marier avec Jennifer, avec qui il est depuis tellement d’années qu’il n’arrive plus à les compter. Il y a ensuite Laurent, son meilleur ami, un Breton métis qui peine à faire carrière dans le journalisme et qui, en attendant, guette avidement LE sujet de l’histoire qu’il rêve de raconter. Et enfin, il y a Anna, la petite soeur d’Antoine, qui, à dix-neuf ans, ne semble toujours pas être sortie de la crise d’adolescence : une boule d’énergie et de rébellion du genre cash, capable de disparaître des radars familiaux pendant des jours et de réapparaître comme une fleur lors du déjeuner dominical. Elle boit trop, fume trop, sort trop, embrasse trop – filles aussi bien que garçons -, se définissant ainsi comme l’exact contraire de son frère, ce sage petit ruisseau qui se laisse entraîner par la vie, comparé à ce raz-de-marée.
Antoine et Anna ont grandi avec leur mère. Leur père, Charles, les a quittés, vingt ans auparavant, sans laisser ni mot, ni adresse.
Jusqu’au jour où… Antoine reçoit un mot du service clientèle de la Poste, lui adressant une carte postale datant du 23 mars 1991 envoyée de Gramatneusiedl, une petite ville située à 30 kilomètres de Vienne, en Autriche, qui avait été égarée dans un centre de tri. Sur celle-ci, quelques mots qui vont tout changer : Je pense à vous. Je vous aime. Charles.
Pour Antoine, c’est l’électrochoc. Et si son père ne les avait pas totalement abandonnés ? S’il était parti parce qu’il le devait ? Et s’il avait pensé chaque jour à sa famille depuis son départ, contrairement aux apparences ?
Ni une ni deux, Antoine et Laurent annulent leur projet de passer une semaine à Londres et changent leur billet, direction : l’Autriche. Anna et sa mauvaise humeur chronique se grefferont au convoi.
Gramatneusiedl sera le point de départ d’une aventure qui durera près de quatre mois et qui les emmènera tous trois à Berlin, en Turquie, en Géorgie, en Arménie, en Inde, puis en Australie et enfin à Nouméa, la fin du chemin, sur les traces de leur père, mais aussi de leurs origines, de leur histoire familiale, de la Seconde Guerre Mondiale à aujourd’hui. Loin est le récit d’une épopée historique et familiale, celui d’une réconciliation, de la découverte de l’autre sous un nouvel éclat. C’est aussi celui de milliers de rebondissements, de rencontres avec des personnes qui ont peuplé la vie de Charles et qui vont apprendre, à ses enfants qui l’ont si peu connu, qui il était.
On retrouve dans ce roman les ressorts chers à Alexis Michalik. Du rythme, de l’émotion, cette urgence à vouloir nous faire tourner les pages, cette facilité à nous embarquer dans des aventures rocambolesques sans avoir à nous poser la moindre question. Cet aspect historique, ces éléments géographiques en toile de fond, auquel il fait allusion sans jamais s’embarrasser de détails qui ne serviront pas le récit. Ces personnages drôles (tellement !) et attachants (aaaah, à peine le livre fermé qu’ils me manquent déjà). Tout est là.
J’ai adoré ce roman-voyage de son point de départ à sa ligne d’arrivée. Il m’a autant amusée qu’il m’a émue et fait réfléchir. Loin, c’est ce genre de roman qui nous montre que, dans un voyage comme dans la vie, l’important ce n’est pas la fin, mais le chemin.
Merci et chapeau, Monsieur Michalik !