#RL19 Cent millions d’années et un coup de coeur : le retour de Jean-Baptiste Andrea

Après le magnifique Ma Reine, les Éditions de l’Iconoclaste publient le second roman de l’écrivain, scénariste et réalisateur Jean-Baptiste Andrea : Cent millions d’années et un Jour.  Reçu dans le cadre d’une rencontre organisée par Babelio le 11 septembre prochain (je compte les jours !), ce roman m’a offert une parenthèse glaciale et enchantée au coeur de cet été caniculaire.

Cent-millions-dannées-et-un-jour_siteinternet

Plus rien ne me surprend. C’est peut-être pour ça que je me sens parfois triste. Ou alors, c’est que dans la famille, comme l’affirmait ma mère, on a la tristesse dans les veines.

1954, dans un petit village des Dolomites, quelque part entre la France et l’Italie.

Au moment où nous le rencontrons, Stan est Professeur de paléontologie à l’Université de Turin. Depuis quelques années, il est animé par une seule et même obsession : partir en quête de ce dragon qu’un vieux concierge, M. Leucio, a aperçu un jour dans une grotte, là-haut, dans la montagne, aux dires d’une petite fille. Pour Stan, il n’y a aucun doute. Ce ne peut être que le squelette d’un dinosaure, d’un apatosaure, d’un brontosaure peut-être, d’une espèce disparue en tout cas, et le découvrir pourrait être, pour ce paléontologue bientôt à la retraite, un triomphe, un point culminant, le climax de cette vie passée à étudier les vieilles pierres et les vieux os. Grâce à l’obtention d’une bourse de son Université, il peut enfin concrétiser son rêve et partir, flanqué d’une escorte triée sur le piolet. Il fait appel à son ancien assistant, Umberto, devenu entre-temps Professore à l’Université de Turin, et à Gio, guide de haute-montagne hors-pair. Pour compléter le convoi, Umberto emmène avec eux Peter, son assistant allemand, lui-même accompagné de Youri, une sarcastique marionnette…

Ils ont deux mois. Deux mois pour faire l’Histoire au lieu de lui courir après.

Les chapitres sont construits autour d’allers et retours entre le présent, moment de l’expédition, et l’enfance de Stan où nous le découvrons petit garçon solitaire, dans un univers restreint, tournant autour de sa maman, de son chien bleu Pépin et d’un trilobite, un petit arthropode marin qui n’avait rien demandé à personne quand [s]on existence percuta la [s]ienne un jour de printemps. Nous faisons la connaissance du Commandant, son tyran de père, dont la violence imprégnait chaque pièce de la maison, nous le suivons dans ses rares moments heureux avec Pépin. Des passages emplis d’une mélancolie, de cruauté aussi, à vous serrer le coeur.

La plume de Jean-Baptiste Andrea est d’une pureté inouïe. À travers elle, nous ressentons avec Stan, Peter et les autres, le froid, la peur, le désespoir, la tension qui gronde derrière chaque mot, chaque regard. Nous sommes comme eux happés par la beauté inquiétante des glaciers. Nous suffoquons, nous aussi, à trop vouloir briser la glace, à creuser, creuser, pour atteindre cette consécration.

L’auteur excelle aussi bien dans la description de paysages glacés, de l’ambiance d’un petit village où les querelles durent mille ans, de sentiments d’un petit garçon pour qui sa mère était tout, ou de ceux d’un adulte qui rêvait de laisser une trace dans la neige de l’Histoire.

Liste de ce que je n’aime pas. Le silence – singulier -, le vent du nord, l’indifférence qui tient froid, le jaune d’oeuf, mon deuxième orteil plus long que le premier, le blanc d’oeuf, avoir dix ans sans ma mère, onze, douze, treize, cinquante-deux, décidément, ça ne passe pas.

Mesdames et Messieurs, ne craignez pas l’effet « second roman » et emparez-vous, dans votre librairie, de ce trésor.

Cent millions d’années et un Jour, Éditions de l’Iconoclaste, en librairie le 21 août