Un récit qui vous laissera une Empreinte… indélébile

Whaouh. Quel livre…

 

9782355847363ORI

J’emploie volontairement le terme large de « livre », dans la mesure où je ne sais pas vraiment comment qualifier cet incroyable objet littéraire. On y retrouve les ingrédients du thriller, avec le même suspens, la même urgence à vouloir tourner les pages, la même envie de vouloir reprendre le cours de l’histoire afin d’enquêter aux côtés d’une inspectrice chevronnée. Mais Alexandria Marzano-Lesnevich est tout sauf une Sherlock Holmes, une Hercule Poirot, une Adamsberg ou une Servaz. Elle ne nous sert pas une tirade finale éclatante en nous révélant ce qui s’est exactement

passé ce 7 février 1992, ce que Ricky Langley a fait au jeune Jeremy Guillory avant de le tuer, ce qui lui est passé par la tête pour passer de prédateur pédophile à pédophile assassin. Car elle non plus, elle n’a pas toutes les cartes en main, malgré tous les procès-verbaux, tous les témoignages, tous les comptes-rendus qu’elle a pu lire, toutes les vidéos qu’elle a visionnées. Elle n’a pas l’omniscience de l’auteur de roman policier qui lève le voile sur la vérité à la toute dernière page de son livre en faisant

parler un de ses personnages. Ici, les protagonistes sont des êtres de chair et d’os, et non de papier, ils ne sont issus d’aucune imagination. Ils existent ou ont existé, quelque part, en Louisiane.

 

Son enquête est d’une grande complexité et pose un nombre infini de questions, qui résonnent dans son histoire personnelle. Comment réussir à faire triompher la vérité ? À distinguer le vrai du fabriqué par les souvenirs, les versions contradictoires ? La démarche d’Alexandria Marzano-Lesnevich n’est d’ailleurs pas une quête de vérité absolue, mais une envie, un besoin de comprendre.

Pendant dix ans, cette jeune et brillante étudiante en droit à Harvard va enquêter non pas seulement sur les faits, mais aussi sur l’histoire de Ricky, sur son enfance abîmée par un accident de voiture. Les chapitres alternent entre scènes de la vie reconstituée de Ricky et souvenirs de la sienne, ce qui ajoute à cette impression de lire un thriller haletant.

Il se lit aussi comme un livre d’analyse psychologique : par-dessus tout, l’auteure essaie de comprendre, sans juger. Ce livre est une analyse en soi, le résultat d’un long travail sur elle-même sur ses préjugés, sur sa volonté de lutter contre la peine de mort. Car on le comprendra vite, L’Empreinte, c’est aussi bien ces marques sur le cou de Jeremy que les traces qu’a laissées son grand-père sur son corps, à force d’avoir abusé de la petite fille qu’elle était pendant cinq ans. Ce livre peut donc aussi être vu comme une catharsis, une envie de se débarrasser de ces démons qui lui pourrissent la vie, l’empêchent de se nourrir normalement et d’être pleinement à l’aise avec quelqu’un. Ce sont aussi toutes ces marques que nos histoires personnelles impriment en nous, qui nous font changer de trajectoire, devenir quelqu’un d’autre, qui expliquent que notre destin n’est pas une fatalité, qu’il est lié à ce que nous avons vécu.

 

C’est aussi un récit journalistique, où tous les personnages qui gravitent autour de cette « histoire » sont les acteurs plus vrais que nature d’une intrigue réelle, dont elle essaie de reconstituer les faits et gestes, de reproduire les dires, à partir des éléments versés à l’enquête, avec toute la précision et la minutie possible. Son travail de recherche a été immense et pour elle, nécessaire.

 

Ce livre est une pépite qui me laissera une empreinte, à moi aussi. Indélébile.

 

Ouvrage reçu dans le cadre de la Masse Critique de Babelio ❤