« Entre deux mondes » d’Olivier Norek : plus qu’un coup de coeur, un coup de foudre !

Entre deux mondes, c’est l’histoire de deux rencontres, de deux passerelles qui se construisent entre des êtres qui n’auraient jamais dû se croiser. Il y a d’abord celle d’Adam, un soldat de l’Armée Syrienne Libre, déguisé en mercenaire de Bachar Al Assad, et Bastien, un flic bordelais qui vient d’être muté, au grand dam de sa famille, à Calais. La deuxième, c’est celle d’Adam et de Kilani, un jeune garçon venu d’Afrique sans aucun membre de sa famille, qui ont en commun la souffrance de l’exil, de la séparation, des racines coupées nettes par la guerre.

entre deux

Le jour où Adam comprend qu’il va être démasqué par les mercenaires d’Al Asaad – un jour auquel il s’était toujours préparé -, il organise sa fuite, celle de sa femme Nora, et de sa fille Maya. Elles partiront dès le lendemain en avion pour Tripoli, avant de prendre un bateau pour l’Italie, avant de gagner la France, puis l’Angleterre. Il les rejoindra plus tard dans cet endroit dont il a entendu parler, où les migrants sont accueillis à bras ouverts, où ils peuvent s’installer après la traversée de la Méditerranée. Cet endroit se situe dans le Nord, à Calais. Cet endroit, on l’appelle « La Jungle ».

Malheureusement, leur plan ne va pas se dérouler comme prévu. Nora et Maya vont être jetées par-dessus bord par les passeurs en pleine traversée et meurent noyées, happée par les eaux glaciales de la Méditerranée.

Quelques semaines plus tard, Adam arrive dans la Jungle, épuisé mais fou de joie à l’idée de retrouver les femmes de sa vie. Mais la réalité lui saute à la gorge : aucune trace de l’une ni de l’autre. Il parcourt les registres, s’enquiert auprès des bénévoles et des groupes de migrants installés depuis longtemps, leur montre la photo qu’il garde sur lui comme un talisman. Mais personne ne les a vues. Désemparé, il tente tant bien que mal de se faire une place en attendant leur arrivée, dans ce camp qui n’a rien à voir avec le paradis qu’on lui avait dépeint : des milliers de migrants affluent chaque jour d’Afrique, d’Afghanistan, de Syrie, de Libye vivant dans la crasse, dans la souillure, le manque d’hygiène. Ses nuits se peuplent de rêves d’espoir de les voir surgir, un beau matin, et de cris, de pleurs, des rixes qui éclatent. Jusqu’à ce qu’un soir, des sanglots étouffés le mettent en alerte, ceux d’une femme peut-être, en proie à une terrible souffrance. Il décide d’aller voir ce qu’il se passe, c’est de « la tente des Afghans » que viennent ces bruits qui s’intensifient de plus en plus. Réglant rapidement leur compte aux molosses qui en surveillent l’entrée, il assiste à une scène qui dépasse l’entendement : un jeune garçon noir est en train de se faire violer par un adulte. Réussissant à le libérer de l’étreinte de son agresseur, il l’emporte et l’emmène à l’hôpital. À partir de ce moment, une relation incroyablement forte va se nouer entre Adam et le jeune garçon dont on ignore le nom, il comprend la langue de son sauveur mais n’arrive pas à parler, pour une raison que nous découvrirons plus tard. Kilani, puisque tel est le nom qu’Adam lui donnera, le suit comme une ombre. L’un veille sur l’autre, ils se protègent mutuellement, deviennent inséparables.

Lorsqu’un jour, un homme est assassiné dans la Jungle, c’est Bastien qui est chargé d’intervenir. C’est à ce moment que va se produire la deuxième immensément forte rencontre de cette histoire : celle de deux flics appartenant à deux mondes situés aux antipodes l’un de l’autre, qui vont devenir co-équipiers. Ils vont enquêter tous deux sur cette mort, puis sur une deuxième, et sur les intentions de l' »Ombre », un migrant soupçonné d’être un recruteur de djihadistes…

Avec l’horreur en toile de fond, les émotions nous assaillent tout au long de la lecture. On tremble en lisant la recherche désespérée d’Adam, dont on sait qu’il ne retrouvera jamais sa famille. On est émus au plus profond de notre âme lorsqu’il trouve dans la famille de Bastien, une seconde famille à laquelle vient se greffer Kilani dont le rêve, comme celui de beaucoup, est d’atteindre le « yuké » et pour lequel ils vont tous s’unir pour qu’il le réalise.

Quel déchirement de refermer un tel livre ! De dire adieu à ces personnages auxquels on s’est attaché avec une telle force ! De se résigner à accepter une telle fin, aussi dure, aussi dévastatrice.

J’ai eu un coup de coeur ABSOLU pour ce livre. Jamais je n’aurai pensé être aussi bouleversée par un polar. Les mots d’Olivier Norek nous vont droit au cœur, impossible de ne pas fondre en larmes en lisant le récit de Kilani qui a vu les siens mourir sous ses yeux, en assistant à la construction d’un cocon familial autour du jeune garçon, de voir la complicité entre Adam et lui, de lire le drame de ces familles déchirées par la guerre qui ont tout perdu, qui paient des passeurs des fortunes pour se retrouver dans un endroit où personne ne leur tend la main, de l’enfer vécu par ces migrants, de la cruauté de ceux qui font du malheur des autres leur commerce.

Je suis tellement reconnaissante à Olivier Norek pour ce merveilleux cadeau qu’il a fait à ses lecteurs. Si j’ai la chance qu’il lise ma chronique, je voudrais le remercier pour ce livre tellement beau, tellement fort.

Entre deux mondes d’Olivier Norek : en grand format chez Michel Lafon (octobre 2017), en format poche chez Pocket.